Cecilia Gérard
De toi
visuellement il ne me reste pas grand-chose
d’autre que
tes cheveux, ton œil gauche et quelques pores sur ton nez.
La forme de ta bouche
ne me dit rien
je me souviens juste que j’aimais bien l’avoir sur la mienne
– je croyais que toi aussi.
Tu avais dit
j’aime assez tes baisers,
ils ont quelque chose de très doux.
Maintenant tu dis que boire un verre ne vaut pas le coup
je suis attristée et me demande si c’est à cause de mes dents
mais soudainement
comme un réflexe de survie
je comprends que si la valeur que je t’ai donnée ne se fonde pas sur grand-chose
celle dont je manque à tes yeux
n’est pas plus juste –
aussi quand j’en veux à mon corps de ne pas être joli
j’oublie
qu’avec lui je fais de jolies choses
comme le concert de Taulard où j’étais si heureuse de sauter partout
et de secouer mes cheveux
et de me jeter au milieu des pélos qui pogotaient
entre eux.
Je crois que la danse c’est ma violence
et grâce à mon corps
je peux la sortir loin de moi
malgré ce que je lui ai fait subir
en me laissant tomber d’une fenêtre quand j’avais quatorze ans.
Ce corps que j’ai tant mutilé et qui continue de me porter
je ne peux que l’aimer
et avec lui
toutes ses tares –