Sonnet bleu
Laëtita
« il faut qu’il ait au cœur une entaille profonde/ Pour épancher ses vers, divines larmes d’or ! » (Théophile Gautier, « le pin des Landes » )
Ces quelques vers m’ont, dès la première lecture, beaucoup touchée. Je m’y retrouve tout particulièrement car je ne me serai sans doute pas mise à écrire un peu de poésie si je n’avais pas profondément souffert pendant mon adolescence. Tous les poèmes que j’ai pu écrire découlent de douleurs plus ou moins vivaces à présent.
J’ai donc connu le harcèlement sexuel pendant de longs mois au collège, je me suis sentie seule, sale, vulnérable et trahie. Premier traumatisme qui m’a poussé à prendre la parole et à écrire.
Il y a trois ans, j’ai été exclue de la communauté religieuse, chrétienne, à laquelle j’appartenais depuis toujours. Ma vie a volé en éclats. J’ai été abandonnée par ceux qui se disaient mes « frères et mes sœurs », ma famille, mes amis les plus chers, amis que je n’ai plus jamais revus et que je ne reverrai sans doute jamais. Je me suis retrouvée seule ou presque, en mille morceaux, sans foi, sans Dieu, sans personne à qui me raccrocher.
La poésie a été thérapeutiques pour moi et j’espère qu’elle pourra l’être pour d’autres qui pourraient se retrouver dans les situations que je décris : femmes blessées, agressées et rescapés de sectes encore endoloris.
J’espère que mes poèmes pourront alors servir de témoignages… Personne n’a à subir l’ostracisme et le rejet ni pour ses opinions religieuse ou politique, ni pour son orientation sexuelle, ni pour aucune autre raison.
J’ai 19 ans et je voudrais que ma poésie vous touche, vous faire ressentir par mes mots ce que j’ai vécu, ce qui m’a bouleversée, ce qui m’a irrémédiablement transformée.
Il y a en moi même un gouffre qui me ronge
Qui m’aspire, qui m’avale, et me fait prisonnière
Et si je veux m’enfuir, c’est mon cœur qui se serre.
Il me faut m’y résoudre, c’est l’abime où je plonge.
Et l’océan m’emporte, je me sens vide et bleue
Brisée comme l’écume se brise sur le sable
Alors je disparais, fantôme insaisissable,
Entrainée par les eaux, par ces flots mélodieux.
Je pleure dans le silence de la mer infinie
Qui coule dans mon cœur. Tout à coup c’est la nuit.
Mon cœur est mort, fini ; étouffé de sanglots.
Cœur blessé et qui ploie accablé par le poids
De ces souvenirs lourds, les traces d’autrefois.
Je vogue triste et bleue, spectre surgi des eaux.